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16/03/2009

Non Coupat...ble

Ils ont débarqué très tôt. Sept et quelques. La porte a volé. Et puis ils ont tout investi, pas à pas, en se couvrant les uns les autres. Tenue de combat, gilet pare balles, fusil d’assaut. De la pièce du fond, derrière mon portable, je les voyais progresser jusqu’à moi. Ils m’ont donné envie de rire. Vraiment. Clownesque. Le ridicule effaçait toute peur. Ils m’ont saisi, flanqué par terre à plat ventre, en pyjama, un genou entre les omoplates, cette position qu’ils ont tous adoptée, très douloureuse, qui vous laisse à peine respirer. C’est comme ça qu’ils ont eu le sans-papiers dans son avion de retour. Ils m’ont relevé. Ma copine dormait nue. Ils l’ont salie avec leurs regards de porcs. Tous les amis ont été tirés du lit. Et puis ils ont commencé à tout fouiller, embarqué l’ordi, et un petit flic, genre gestapo, avec des gants blancs, a épluché la bibliothèque. Il ramassait les livres couleur rouge: Marx, Bakounine, Lafargue, et, avec un sourire de plaisir intense, l’insurrection qui vient. Ils m’ont posé des questions. Je n’ai pas desserré les dents. J’en ai entendu de bonnes. Sale rouge, salopard, terroriste, anar, sous-merde. Je n’ai pas ouvert la bouche. Baisse les yeux, baisse les yeux, sale petit con!... Ils nous ont embarqué. Depuis, ils me torturent. Ils n’ont rien. Ils veulent me faire avouer des trucs que je n’ai pas faits. Que je serais le chef d’un réseau international de terroristes rouges. Leur seule preuve: mes lectures. A croire qu’ils ne savent même pas lire. A priori, ils ne sont pas près de me relâcher. Je ne leur ai rien dit. Pas un mot. Ils n’ont rien. TAnt qu’ils n’auront rien, ils me garderont. Ils ne peuvent pas me remettre dehors. A priori, je crois que je vais tenir. 

Depuis le 15 novembre 2008, Julien Coupat est en prison. Si j’en crois ses avocats, ses amis, d’autres sources et mon intime conviction, son dossier est totalement vide. En 2009, en France, pays qui fut celui des lumières, on peut être embastillé parce qu’on a de ”mauvaises” lectures. Dans ma bibliothèque, vous trouverez beaucoup de ces opus douteux. Je vous attends. Mort aux vaches et vive la liberté. 

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