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26/05/2009

Le courage des entrepreneurs

Mme Parisot et notre président (dont le frère Guillaume fut n°2 du Medef jusqu’en 2005) sont d’accord: le héros des temps modernes est entrepreneur ou dirigeant d’une grande entreprise. Ces gens-là sont courageux, ils prennent des risques, ce qui justifie amplement leur niveau de rémunération astronomique. Courageux, ce mot a deux sens. Prenons le premier: courage au sens d’énergique. Ces gens-là travaillent des quatorze quinze heures par jour. Attention, du vrai travail. Pas comme les ouvriers en fonderie, en trois huit, qui prennent l’équipe de nuit, non, pas non plus le courage des mères de famille, qui triment du matin au soir, pas des trucs de gueux, non, un vrai travail, porter une cravate du matin au soir, épuisant, réfléchir vingt quatre vingt quatre, éreintant, rester assis derrière un bureau, le téléphone à l’oreille, exténuant, déjeuner dans un restaurant, interminable, éprouvant, être toujours en déplacement, en limousine, en avion, pénible, avoir toujours l’oeil sur un ordinateur, faire des conférences, harassant, être sans cesse en représentation, tuant. Un vrai djob, quoi, un truc de dur de dur, pas un truc de gueux. Le deuxième sens, ce serait celui de la prise de risque. La responsabilité écrasante que ça représente. Vous avez pas idée. On a des courbes sous le nez, il faut sans cesse prendre la bonne décision, que le réel colle à la courbe, la dépasse, idéalement. Des décisions écrasantes. Si vous vous trompez, crac, c’est des centaines de personnes qui se retrouvent sur la paille, sans rien. Le sort des autres est leur préoccupation constante, à ces héros. Ils sont les décideurs, vous comprenez. Ils n’en dorment plus. C’est une abomination. Votre sort de pauvres larves dépend entièrement d’eux. Et quand ils vous mettent sur la paille, croyez-moi, c’est toujours avec le coeur brisé. Mais ils ont confiance en vous. Si leurs décisions vous mettent dans la merde, ils savent très bien que vous trouverez la ressource de vous en sortir quand même, parce que vous avez en vous des ressources inexploitées. Ceux d’entre vous qui se bougeront, qui ne penseront pas qu’à se plaindre, s’en sortiront. Et puis, ils ne vous lâchent pas tout à fait. Il y a l’Etat. Ce truc machin bidule, qui prélève les impôts, beaucoup trop d’impôts, c’est normal qu’il vous en reverse un peu, quand même. Que ça serve à quelque chose. Au fond, s’ils prennent de mauvaises décisions, qu’ils ruinent l’entreprise, ce n’est pas si grave. C’est de la sélection naturelle. L’entreprise s’en remettra si elle est viable et forte et vous pareillement. Les meilleurs d’entre vous s’en sortiront. Et eux, bien évidemment, ils seront encore là après. Vous voyez? La prise de risque ça s’appelle. Le courage. Pareil à la bourse. Moi, une chose me fait immanquablement pisser de rire, c’est à quel point ces gens-là ont une notion assez personnelle du mot courage. Pas la peine de trop insister. Vous avez sûrement remarqué que, dès qu’on voit se pointer une mauvaise nouvelle, une crise, un risque de tension, la bourse se vide immédiatement. Comme des lapins, ça détale. Ma cassette!.. Ma cassette!... Et après, quand ça a bien baissé, ça ressort du terrier tout doucement, à l’affût du moindre bruit, de la moindre anicroche. Du courage, on dit. Le seul problème, en fait, c’est la définition du mot courage. Elle aurait varié, ces temps-ci, que ça ne m’étonnerait qu’à moitié.

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