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31/08/2009

Sur des oeufs

Bon, la rentrée politique, quoi? Un Naboléon très conforme, un PS très minable, primaire, il faut dire maintenant, deux trois bricoles, rien, en vérité.... Ça y est, le fascisme ordinaire circule dans nos veines..... On n’est même plus surpris, encore moins révoltés.... C’est peut-être l’heure de revenir sur des faits passés...  Toujours cette foutue manie de la perspective....  

L’art de la politique est incontestablement manipulatoire. Vous savez bien, la fameuse langue de bois. Pour le personnel politique, le jeu consiste à ne jamais livrer ses intentions profondes, ce qui a pour effet de réduire l’opposition à des procès d’intention. Par exemple, beaucoup ont compris que la marche vers la privatisation des universités est entamée. Jamais au grand jamais vous n’entendrez un membre de notre gouvernement le reconnaître. Si vous l’affirmez, si vous faites part de votre sentiment sur la finalité des réformes, alors vous n’êtes qu’un contestataire stérile, coupable de voir dans les faits ce qui ne s’y trouverait pas: l’intention ultime.

Jean Marie Le Pen est un tribun reconnu. Son art du langage est achevé et nous ne pouvons que lui reconnaître un certain talent dans le maniement de la provocation. Comme beaucoup d’autres, son but est de ne jamais dévoiler ses intentions réelles. La provocation consiste, chez lui, à lancer des phrases qui ont plusieurs sens. De cette manière, ses partisans sont satisfaits et ses adversaires, ses ennemis - je crois que, malgré l’adage, on peut avoir des ennemis en politique - , eux, se retrouvent souvent piégés dans l’ambiguïté de ses propos et ne peuvent se dégager de l’accusation de procès d’intention.

Reprenons le cas du “détail” et de ses nombreuses récidives. La dernière en date dit : «les chambres à gaz restent un "détail" de la Seconde Guerre Mondiale». Analysons cette phrase, si vous le permettez. Que dit Le Pen? Que les «chambres à gaz» sont un détail. Qu’entendons-nous? Ses partisans aussi bien que ses ennemis y voient l’affirmation de son antisémitisme et le fait que, pour simplifier, il se satisfait du génocide des juifs durant la dernière guerre mondiale. Mais que dit-il en réalité? Que les «chambres à gaz» sont un détail. Sous-entendu, que la manière de tuer n’a pas d’importance.... Que dire contre cela? C’est sémantiquement vrai. A tel point qu’on parle de plus en plus de «Shoah par balle». Si les Nazis avaient monté le même édifice industriel en vue de l’élimination des juifs mais sans les chambres à gaz, le problème serait-il différent? Les auraient-ils tués à coups de fourche qu’il n’en resterait pas moins que le processus d’élimination d’une partie de l’humanité, le génocide, le crime contre l’humanité, auraient été les mêmes. Plus!... S’ils n’en avaient tué qu’un... Ne resterait-il pas que le fait d’avoir conçu un processus systématique, des usines, une logistique, afin d’éliminer une partie de l’humanité  constituent en eux-mêmes un crime?

Mais la question n’est pas essentiellement de savoir si Le Pen  est ou non habile. Non, la question, en vérité, c’est de savoir ce que nous perdons de notre “âme” en réagissant épidermiquement à ses déclarations. Comme il est évident qu’une partie de cette “âme” est perdue dans le compte des millions de victimes. Qui a le plus gros chiffre? Cette question fait immédiatement passer le débat du terrain moral au terrain matérialiste. Je ne suis pas certain que l’avenir de la pensée se trouve au coeur du matérialisme.

Qu’est-ce qui nous rend incapables de nous planter devant Le Pen et de lui répondre que oui, effectivement, chambre à gaz, balle, fourche, couteau, marteau, cela n’a pas d’importance? Que le fond du problème réside dans l’intention. Ne serait-ce pas là le moyen définitif de couper une herbe mauvaise sous des pieds nauséabonds?

Ce qui nous en empêche s’appelle bon sentiment, bon sens, sens comun, évidence, toutes choses que nous devons probablement à notre chrétienté ancestrale - cocasse lorsqu’on sait l’antisémitisme latent chez les chrétiens!- et qui nous interdisent quelque analyse que ce soit sur tout ce qui touche à la Shoah. Une conception absolument péremptoire du bien et du mal. Vade retro satanas!...  Au final, on ne fait que renvoyer Le Pen et tous ceux qui usent de cet artifice exactement où ils ont prévu qu’on les renverrait: dans le camp de ce qu’ils présentent frauduleusement, comme un arbitraire, un procès d’intention, une attitude faussement victimaire. Exactement ce que ses partisans attendent de nous pour se drapper dans leur hypocrite dignité empuantissante.