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23/06/2010

Chiens de garde

Si vous aimez vous faire des amis, je vous conseille aujourd’hui une petite expression très efficace: les chiens de garde. A l’origine, elle nous vient de Paul Nizan. Un pas commode, qui remettait en cause l’autorité de ses éducateurs en philosophie, en dénonçant leur collusion avec le pouvoir. Vous l’avez aussi version “néo” avec les “nouveaux chiens de garde”, de S. Halimi, qui, lui, met en cause le rôle des intellectuels et des journalistes, du médiatique, quoi... Vous l’avez aussi en version féminine, avec les “chiennes de garde”....  Dans tous les cas, je vous conseille, si vous avez définitivement abandonné l’idée d’une publication chez Galligrasseuil, d’un passage dans l’émission la plus vendeuse de France-cul ou à la télé, je vous conseille, donc, l’emploi de cette formule à outrance et sans discernement envers tous ceux que vous soupçonnez de collusion avec le pouvoir.

Vous le savez, l’équipe de France rentre la queue basse sitôt que possible. Ça va barder. Pour le pouvoir français, c’est une catastrophe. Pas qu’ils aient été laminés, les ados attardés en short. Ça, nos dirigeants n’en ont rien à faire. Ce qui va leur poser un énorme problème, outre les conséquences économiques sur la “sainte croissance”, c’est qu’ils avaient misé sur un parcours raisonnable de l’équipe, histoire de dévier un peu les regards de la politique française, des scandales  et des cotes de popularité faméliques. En bref, du pain et des jeux, comme au bon vieux temps, suivant une recette éculée mais toujours efficace, ce qu’on nommait aussi l’opium du peuple. Là, le peuple, il va l’avoir mauvaise. Et il va donc se rendre compte de la dureté et de l’injustice des mesures qu’on se prépare à lui appliquer. Il reste donc une solution et une seule: trouver un autre dérivatif ou bien un bouc émissaire. C’est dans ces moments-là qu’il faut lâcher les “chiens de garde”. Et j’en entends qui aboient déjà. Des qui nous font l’apologie de la politesse, de la bien-pensance, qui tentent un assaut contre la grossièreté alors que, de l’autre côté de la laisse, la vulgarité, la vraie, celle des nouveaux riches, des ambitieux, des hommes sans honneur, fait rage. J’en entends qui s’en prennent à la banlieue et à ses “petites frappes”. Et, là, mes oreilles frissonnent. Tiens, tiens... Et si le dérivatif, ça pouvait être de nous faire un grand feu de joie dans les “banlieues”. On les excite un brin, on met la pression, on les accuse d’être les vrais responsables du désastre, ça pète et là, tous les “Dupont” de France vont succomber à la peur. Tous unis contre les barbares. Si ça tourne bien, on pourrait même se lancer dans des couvre-feu, carrément, déployer la police et l’armée, nous faire encore franchir un pas dans la direction de la société autoritaire, hop!..., en douceur. Stigmatiser la “banlieue” c’est évidemment l’inviter à se solidariser avec les joueurs de cette équipe minable. Ils vont le faire comme un seul homme. Et le débat sera ainsi immédiatement porté sur un terrain où il ne devrait être en aucun cas: celui du racisme. Les jeunes des “banlieues” se sentent évidemment proches de ces joueurs, ne serait-ce qu’à cause du fait que, pour eux, le foot est l’un des seuls avenirs radieux possibles. Si les chiens continuent d’aboyer, je vous le garantis, notre diversion, on va l’avoir....

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