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06/06/2011

Ferrylosophicopolitique

Luc Ferry est ce qu’on appelle, dans les milieux autorisés, c’est à dire les milieux de ceux qui ne le sont pas, un autodidacte.  Point de lycée Louis Le Grand, point de Normale Sup. Mais Ferry est de droite. Fondamentalement de droite. De ces gens qui pensent qu’ils ne doivent leur position qu’à leur mérite. Qui réfutent le hasard dans leur propre réussite. Foin des rencontres chanceuses avec des enseignants magnifiques, comme ce fut le cas de Camus, par exemple, de Pagnol... Ils sont le centre de leur réussite sociale. De sales types?... Pas seulement!.. La problématique est complexe. Parce qu’un autodidacte sera toujours considéré, par les tenants de la culture “officielle”, tous ceux qui, eux-mêmes, ne doivent leur  rang qu’à l’action d’enseignants et d’établissements scolaires répertoriés, comme un sous-produit culturel à jamais entaché de son péché originel: il n’est pas né!.... Mais Ferry est de droite. Cette disposition l’oblige à s’enfermer lui-même dans le piège tendu par la bourgeoisie dominante : la preuve de sa valeur ne peut venir que de l’ampleur de sa réussite personnelle. Il sera donc conseiller de Lang, alors ministre de l’éducation, puis ministre, lui-même. Pour le commun des mortels, c’est une réussite épatante, un bâton de maréchal.

    Avant son ministère, le tirage moyen de Ferry n’était que de 300.. Après, il est passé immédiatement dans le clan de “plus de cent mille”.... Pour lui, la preuve est donnée. Son succès populaire est une démonstration impérative. Ferry ne sait pas, ne peut pas savoir, que ce genre de succès est considéré comme vulgaire par les tenants du monde auquel il veut absolument accéder... La popularité n’est pas une preuve de valeur pour ces gens qui ont compris, depuis longtemps, la nuit des temps modernes, qu’on ne gouverne vraiment que dans l’ombre. Aux yeux des pairs qu’il s’est choisis, il n’est que pathétique. Au regard des véritables tenants du pouvoir, autant culturel qu’économique, Ferry n’est plus un danger. Le temps fera l’affaire.. Il finira obligatoirement par provoquer lui-même sa déchéance. Simplement parce qu’il ne fait pas le poids, qu’il ne pouvait pas le faire, qu’il ne le fera jamais. La situation, rien d’autre que les circonstances, le pousse à la faute.... L’un des premiers degrés, au moins, vient d’être franchi.... Cela ne s’arrêtera pas... Ils auront sa peau. Et les apparences seront contre lui: personne n’en aura été responsable que lui-même. Ce qui n’est pas que faux. Sa benoîte confiance en lui-même, son ambition démesurée, l’ont autorisé, du moins le croyait-il, à libérer sa parole, comme s’il faisait partie du clan de intouchables, ceux qui s’en sortent toujours. Il va découvrir qu’il n’en est rien.

    Mais le Ferry est aussi pathétique et touchant, en un sens. Parce qu’il est un symbole de l’impossible réussite des humbles dans nos sociétés occidentales. On ne cesse de nous raconter la fable du mérite. On ne devient jamais membre de la caste.  Nos sociétés sont injustes et féodales. Mais elles ne brisent que ceux qui veulent la réussite à tous crin. On lèche, on lâche, on lynche. Seuls ceux qui s’abandonnent à leur ambition seront laminés. Mais ils le seront inévitablement. Ferry y a cru. Le voilà considéré comme le dernier des idiots du village, confronté à l’antique désespoir de ceux qui ont tout perdu en un jour, une seconde, pour un mot ou un acte de trop. Ce qu’il ne sait peut-être pas, c’est que le piège était depuis longtemps tendu et qu’il s’y est stupidement précipité. Ses ennemis de classe ont toujours l’excuse de l’innocence: ils n’ont rien fait pour cela. Il ne le doit qu’à lui-même. 

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