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21/03/2009

le pape de Rome

Le pape vient encore de se distinguer par une “ânerie” (sic). Le préservatif serait un accessoire aggravant l’épidémie de sida.
Toutes les bonnes âmes se révoltent: de telles paroles sont intolérables. Si vous les écoutez attentivement, vous observerez que , pour la plupart, ils commencent leur déclaration par : je suis chrétien mais.... S’en suivent des professions de foi affirmant que c’est “ce” pape qui pose problème, manifestes pleins de bonne foi, de bons sentiments et de compassion....
Au risque de déplaire, j’affirme que ces allégations sont absolument stériles. Elles ne tiennent , en effet, absolument aucun compte du fait que croire n’est pas raisonner. Pour tous les chrétiens du monde terrestre, qui sont pour la plupart des frustrés sexuels, le pape a parlé d’or. Le préservatif qu’on met à deux ou trois exemplaires dans sa poche avant d’aller vivre une soirée débridée, ne peut être vécu que comme une incitation à la débauche. Pour les chrétiens, le sexe est, reste, sera, vade retro satanas, un tabou. L’abstinence est consubstantielle au christianisme pour qui la jouissance n’est pas de ce monde mais réservée à la vie dans l’au-delà.
C’est pourquoi je crains que toutes les protestations, les gesticulations actuelles contre le paroles du pape ne sonnent, ne puissent sonner que comme coups d’épée dans l’eau.
La seule porte par laquelle pourraient passer de vraies remises en cause des mots du pape est celle de la laïcité, de l’abandon de la religion comme dogme moral. Ce qu’il nous faudrait faire pour lutter contre de telles “âneries”, c’est condamner la religion elle-même. Je crois que nous n’y sommes pas prêts.

20/03/2009

Autriche éternelle.....

Josef Fritzl a été condamné à la prison à vie au terme d’un procès qu’on pourrait qualifier d’expéditif. Le monstre est maintenant hors de la vue de tous. Les Autrichiens se disent tous soulagés. Ce jugement me laisse perplexe. Non que je regrette la condamnation. Les crimes de Fritzl la justifient amplement. Ce qui m’étonne, c’est l’unanime soulagement du peuple autrichien. Et j’y vois comme un voile vite reposé sur un problème national. Car enfin, chacun le sait, l’Autriche n’a absolument pas réglé ses problèmes de conscience avec le nazisme. Jusqu’à élire un président assez compromis et accorder une grande audience aux mouvements d’extrême droite. Or, j’ai vu dans les actes de Fritzl une certaine ressemblance avec des pratiques courantes sous le troisième Reich. Les Autrichiens l’auraient-ils, eux aussi, ressentie. Cela expliquerait le côté sommaire de ce procès, au cours duquel le débat n’a jamais débordé, vite plié, propice à un rapide retour à l’ordre des choses. Si Thomas Bernhard était encore parmi nous, je ne doute pas qu’il nous en aurait dit beaucoup sur cet ordre, justement.

18/03/2009

La voix de son maître

Dans les années soixante, je l'avoue, je suis un vieux croûton, un ventriloque du nom de Jacques Courtois enchantait les petits et les grands avec une marionnette appelée Omer.
Je ne sais trop pourquoi, cette marionnette m'est remontée à la mémoire ces temps derniers. Si, je sais pourquoi. C'est en regardant ou en écoutant nombre de ceux qui gravitent autour de notre cher président, monsieur si y'en a qu'ça. Les noms sont nombreux: Darcos, Bertrand, Etc....  Mais , finalement, celui  à qui ça colle le mieux, vraiment, c'est Frédéric Lefèvre. Jetez un oeil, vous verrez, c'est saisissant.

Vous remarquerez que Mr Courtois a une pipe dans la bouche. Il n'a probablement jamais fumé la pipe. C'est un artifice, une astuce, pour qu'on comprenne bien que ce n'est pas lui qui parle. Vous voyez, une astuce. Qu'on s'imagine que c'est la marionnette qui cause. Comme dans la vie avec les ministres et le patron.

 



16/03/2009

Non Coupat...ble

Ils ont débarqué très tôt. Sept et quelques. La porte a volé. Et puis ils ont tout investi, pas à pas, en se couvrant les uns les autres. Tenue de combat, gilet pare balles, fusil d’assaut. De la pièce du fond, derrière mon portable, je les voyais progresser jusqu’à moi. Ils m’ont donné envie de rire. Vraiment. Clownesque. Le ridicule effaçait toute peur. Ils m’ont saisi, flanqué par terre à plat ventre, en pyjama, un genou entre les omoplates, cette position qu’ils ont tous adoptée, très douloureuse, qui vous laisse à peine respirer. C’est comme ça qu’ils ont eu le sans-papiers dans son avion de retour. Ils m’ont relevé. Ma copine dormait nue. Ils l’ont salie avec leurs regards de porcs. Tous les amis ont été tirés du lit. Et puis ils ont commencé à tout fouiller, embarqué l’ordi, et un petit flic, genre gestapo, avec des gants blancs, a épluché la bibliothèque. Il ramassait les livres couleur rouge: Marx, Bakounine, Lafargue, et, avec un sourire de plaisir intense, l’insurrection qui vient. Ils m’ont posé des questions. Je n’ai pas desserré les dents. J’en ai entendu de bonnes. Sale rouge, salopard, terroriste, anar, sous-merde. Je n’ai pas ouvert la bouche. Baisse les yeux, baisse les yeux, sale petit con!... Ils nous ont embarqué. Depuis, ils me torturent. Ils n’ont rien. Ils veulent me faire avouer des trucs que je n’ai pas faits. Que je serais le chef d’un réseau international de terroristes rouges. Leur seule preuve: mes lectures. A croire qu’ils ne savent même pas lire. A priori, ils ne sont pas près de me relâcher. Je ne leur ai rien dit. Pas un mot. Ils n’ont rien. TAnt qu’ils n’auront rien, ils me garderont. Ils ne peuvent pas me remettre dehors. A priori, je crois que je vais tenir. 

Depuis le 15 novembre 2008, Julien Coupat est en prison. Si j’en crois ses avocats, ses amis, d’autres sources et mon intime conviction, son dossier est totalement vide. En 2009, en France, pays qui fut celui des lumières, on peut être embastillé parce qu’on a de ”mauvaises” lectures. Dans ma bibliothèque, vous trouverez beaucoup de ces opus douteux. Je vous attends. Mort aux vaches et vive la liberté. 

10/03/2009

du fiel, encore et encore

Avant et peu après l’élection de Nicolas Sarkozy, nous étions quelques uns à soupçonner l’homme de vouloir tout simplement appliquer à la politique française des recettes que les pays anglo-saxons avaient, eux, expérimentées dans les années quatre vingt. Je l’avoue, sans avoir été soumis à la torture, pour l’instant, je me suis trompé. Désolé. Ma vision était partielle, je regrette cette erreur. Car, en fait, notre grand petit homme s’avère bien plus rétrograde que ce qu’il en paraissait. Depuis qu’il est aux commandes, il nous a réformé à tour de bras à peu près tout ce qu’il est possible. Et toujours avec, sous jacente, une vision que, pour le coup, je daterais plutôt du début du vingtième siècle. L’école, la justice, les rapports sociaux, l’abord au travail, tout y passe. Rarement de front. On restaure la religion dans son rôle moral irremplaçable, l’air de rien, on étrangle financièrement le planning familial, ce qui évite le débat sur l’IVG, et voilà que, dernière trouvaille, on réinvente la prohibition. La prohibition, années trente... Tiens, années trente. Mais ne seraient-ce pas les années de la précédente crise? Celle qui s’est si mal terminée?..

Heureusement, pour que cela dégénère vraiment, il nous faudrait un homme providentiel et malfaisant. Un homme complexé par sa taille, à la sexualité problématique, colérique, revanchard, au point, par exemple, de refuser de s’occuper des parties du territoire national qui n’auraient pas voté pour lui, un homme caractériel, népotique, inculte. Heureusement, un tel homme, aujourd’hui, on ne lui confierait plus les clés du pouvoir. Pas l’ombre d’un tel diablotin en Europe. Quoi? Je me trompe encore? Vous en voyez un, vous?

09/03/2009

fiel... justifié

N. Sarkozy, 54 ans cette année, pour tenter de dissiper la rumeur selon laquelle il serait illétré, a informé des journalistes présents lors de l'un de ses déplacements qu'il lisait en ce moment un livre de Sartre: Les Mots... A 54 ans, un président de la république!.. avouer qu'on n'a pas lu les mots de Sartre.. il y a déjà de quoi pisser de rire...

il a ajouté qu'il avait souligné avec son "petit" crayon une "jolie" phrase: le Progrès, ce long chemin ardu qui mène jusqu'à moi.

j'aimerais assez savoir comment le nabot a bien pu interpréter cette phrase... J'ai bien entendu mon idée...

pascal pratz

05/03/2009

Le sarkozysme est-il un néo-stalinisme

Le sarkozysme est-il un néo-stalinisme?


Dans les années soixante-dix, mille neuf cent soixante dix,  une plaisanterie circulait partout en accrochant partout un sourire jaune: le totalitarisme, c’est ferme ta gueule; la démocratie, c’est cause toujours. Nous ne sommes plus en soixante dix. Ni, à plus forte raison, dans les années vingt ou trente. Une chose me frappe, aujourd’hui, c’est ce consensus qui consiste à refuser de qualifier notre président de fascho. Bonapartiste, autoritaire, autoritariste, soit. Mais fascho, tout de même, vous n’y songez pas sérieusement!...  Et bien si, j’y songe. Excessif, outrageusement exagéré, par là insignifiant. Il est de bon ton de protester contre cette affirmation: oui, notre cher “leader” est un être faschoïde. Généralement, on vous oppose un unique argument: relisez vos livres d’histoire. Le faschisme, c’est Hitler, Staline, Mao: monsieur Sarkozy n’a rien à voir avec ces grands ancêtres. Un tantinet poutinien, à la rigueur. Poutine lui-même peut-il être qualifié de fascho? Ce serait exagéré, vous rétorque-t-on. Dans notre pays, on peut encore dire ce qu’on veut, se promener librement, écrire, soutenir dans les médias tous les points de vue, penser ce qu’on veut, adhérer au parti qu’on a choisi, en bref, nous sommes encore libres, qu’on sache. Rien que le mot “encore” dans cette formule a de quoi faire frémir l’échine. Mais toutes ces allégations sont hélas fausses. Les gens qui les profèrent ne doivent pas savoir qu’on ne peut librement appartenir à la gauche “ultra”, qu’on ne peut circuler dans les “quartiers sans se faire immanquablement interpeller si l’on n’est pas “gaulois”, qu’il ne fait pas bon se promener dans la rue avec des pancartes annonçant “casse toi, etc..” lorsque le prince a décidé de les emprunter, ces rues, qu’il ne fait pas bon se faire interpeller aux abords d’une manifestation et que, même dans l’éventualité où l’on y serait totalement étranger, on risque de se retrouver derrière des barreaux, que les médias qui laissent passer des propos qui ont l’heur de déplaire le payent, parfois cher, du moins leurs dirigeants, que nous vivons une période où les responsables de “l’ordre”, préfets, patrons, ministres, savent que leur siège est éjectable, si quelque événement vient troubler l’égo du prince. Les exemples d’abus de pouvoir ne manquent hélas pas. La question est: jusqu’où faudra-t-il que le pouvoir s’aventure pour que tous les acteurs concernés réagissent et nomment par son nom le régime sous lequel nous vivons. Trop tard, je n’ai aucun doute, car ce fut, au long de l’histoire, toujours le cas.

A tous, je voudrais répondre une seule chose: que serait le faschisme de Staline aujourd’hui? Je vous parle d’un temps où l’on manipule les opinions par le truchement des médias, où l’on ne tue plus ses opposants, du moins pas physiquement, ce qui n’est pas moins efficace, où la propagande est constante et très banale, quotidienne, douce, indolore, où l’opinion se fabrique, où la voix que vous avez au chapitre est proche du néant, sauf à avoir été préalablement adoubé. Un tel régime déporterait-il encore? Assassinerait-il à tous vents? Conduirait-il des interrogatoires proches de la torture ou, plus exactement, en ferait-il plus que beaucoup d’actuelles “démocraties”? Remplirait-il les asiles plus que nous ne remplissons les prisons? J’ai la conviction que son autoritarisme prendrait des formes bien plus subtiles. L’époque a changé. Pourquoi le faschisme n’aurait-il pas, lui-même, évolué?

Quelques uns des penseurs des Lumières ont mis en vogue le concept de “despote éclairé”. Il peut être toléré que le prince fût despotique, à la condition qu’il ait reçu l’enseignement des Lumières et n’use de son pouvoir absolu qu’à la fin d’améliorer le sort du plus grand nombre, d’être constamment dans la préoccupation du bien d’autrui. Cette notion reste encore passablement fumeuse. Pourtant, ce concept est aujourd’hui encore très à la mode. Nombre de dirigeants un peu “musclés” de notre chère planète vous expliqueront qu’ils ont une vision, qu’ils savent, que, souvent malgré les apparences, leur but n’est que le bien du peuple. Tel est le cas, me semble-t-il, de notre tyran en minuscule. Le drame, dans son cas, c’est que si despotisme il y a peut-être, accordons place au peut-être, par simple scrupule intellectuel, de lumière, cette fois sans l’ombre d’un doute, il n’y a point. Je suis persuadé qu’est vraie la rumeur qui voudrait que notre tyranneau soit quasiment inculte. Il en a lui-même, en maintes occasions, donné la preuve, ne serait-ce qu’à chaque fois qu’il a voulu démontrer qu’elle est fausse. Le despotisme éclairé, sans lumière, qu’est-ce donc? Que serait-ce, si ce n’est simplement un totalitarisme?



On ne comprend rien à notre cher président si l’on ne se remémore une formule ancienne qui le définit parfaitement: anticommuniste viscéral. Pour lui, rien sur terre ne peut être pire que d’être communiste. L’abjection totale, l’ennemi total, le rejet total, l’aversion absolue. Or, il se trouve, et c’est un point sur lequel je réfléchis beaucoup, que lorsqu’on a une idée fixe, un point de fixation absolu, on se trouve confronté à un problème que je pourrais appeler: l’abord à la frontière. Il existe, en effet, deux manières d’aborder une frontière entre deux univers, en particulier celle entre le bien et le mal: l’aborder en venant du côté de ce qu’on croit être le bien, ou bien en arrivant du domaine du mal. Reste que la frontière, elle, est exactement la même. Ainsi, les gens qui vivent dans l’obsession d’une frontière à ne pas franchir, ou, plus simplement, d’une frontière nette entre deux univers de pensée, finissent-ils immanquablement par s’évertuer à la définir, à la matérialiser et, par là, à adopter exactement la même logique que celle de ceux qu’ils condamnent. Certains penseurs israéliens de gauche, sont, par exemple, convaincus que c’est parce que les israéliens sont éduqués dans le respect indépassable de la Shoah qu’ils sont, précisément, capables d’agir assez similairement d’avec les bourreaux de leurs aînés, simplement parce que leur référence est devenue celle-ci. Ainsi donc, il m’apparaît que notre cher dirigeant suprême n’est pas loin d’avoir des méthodes assez similaires à celles des tyrans communistes. Parce c’est, pour lui, une référence absolue.


Mais, en dehors des références psychologiques, on en peut nier que les actes mêmes de notre “guide” sont plus qu’ambigus. Réformer la justice, par exemple, avec la vision claire de donner la préséance aux forces de police sur le judiciaire, amenant celles-ci à prononcer elles-mêmes, en toute autorité, les condamnations, réformer le processus de nomination des responsables des médias en se donnant le pouvoir de nommer, stigmatiser “l’étranger”, personne physique, en tant que responsable, de coresponsable, des difficultés françaises, et, conséquemment, organiser une véritable chasse aux immigrés, mais aussi l’étranger, en tant que concept, tout ce qui est extérieur à nos frontières, en le désignant comme le lieu où se trame et s’ourdit le complot contre la prospérité de notre nation, nommer à des postes de responsabilités uniquement des proches, des amis, des subordonnés, des inféodés, faire taire les contestations par la menace, parfois, souvent, le procès, entretenir avec les personnes les plus en vue des domaines artistiques, industriels, économiques, des relations basées sur l’affect et le personnel, tous ces actes, aujourd'hui, sont notre lot quotidien. Et que penser d’un régime où la police fait la loi, où les moyens d’information sont aux ordres, où tous les coquins sont aussi des copains?

Le plus étrange, une fois encore, c’est l’apparente apathie qui nous a touchés. Devant de tels faits, de telles hypothèses, de tels soupçons, nous devrions être nombreux, en France, en 2009, à dénoncer les prémices d’un état autoritaire. Quelle peut bien être la raison du silence? Quelle torpeur nous a pris? Pourquoi sommes-nous si peu nombreux à donner à notre cher “guide suprême” le qualificatif qu’il mérite: tout simplement fascho.


Mais pire, il faut toujours tenter le pire, je prétends que le sarkozysme est un néo-stalinisme. De quoi Sarkozy est-il le nom? J’ai trouvé. La condamnation du stalinisme fut principalement sa négation de l’individu. C’est une caractéristique qui n’appartient pas qu’à lui mais il est admis qu’il en fut le pire exemple. Qu’on soit Soljenitsyne, un moujik ordinaire de russie centrale, un opposant notoire, le stalinisme vous réduit à un pourcentage, une croix dans une case, un cas pour cent, rien d’humain, il nie votre particularité, vous ravale au rang de “cas”. Dois-je insister et faire remarquer que notre cher président raisonne son cher peuple en des termes analogues? Jamais, peut-être, la statistique, le sondage, n’ont été aussi considérés comme des moyens de gouverner. Alors oui, j’y insiste, le sarkozysme pourrait bien être une forme actuelle, j’évite le “moderne”, du stalinisme. On objectera que Staline était un rouge. Je répondrai que, justement, nombreux sont ceux qui, depuis sa mort, se sont interrogés sur la classification “à gauche” du dictateur soviétique.

Et je ne vous parle pas de “culte de la personnalité” et de stakhanovisme.....


pascal pratz

ni anti ni philo -sémite

Ni anti- Ni philo--sémite


Les secrets de famille émaillent nombre de vies. Ton père n’est pas ton père, ta mère a été prostituée, tu es adopté, ton épouse est ta mère, ta famille s’est mal conduite dans le passé ou bien était-elle aristocratique. Parfois, on les cherche, mû par un malaise qui rend la vie impossible, parfois ils vous tombent dessus, au détour d’une lettre ancienne, d’une conversation, par la révélation d’un parent, sur son lit de mort, au dernier moment.

Un dimanche midi ordinaire de 2007, après un repas de famille, mon père déclara, sans en paraître ému, que mon grand père, son père, chauffeur à la RATP, avait participé au transport de juifs raflés jusqu’à Drancy.

Je veux tout d’abord m’excuser solennellement auprès de tous les juifs du monde, vivants, morts assassinés dans cette période, de l’indignité de la conduite de mon aïeul.

- Tu te rends compte de ce que tu viens de dire?...
- Bah....
- C’est épouvantable.. Tu ne te rends pas compte?...
- Il ne pouvait pas faire autrement.. Il avait des ordres de sa direction...
- C’est encore pire après ça.. Et sa conscience? Son devoir de refus?
- Je ne sais pas...


Il ne comprend pas. Parce qu’il ne me connaît pas. Dans les semaines précédentes, je viens de jeter les bases d’un texte sur l’antisémitisme rampant du peuple français. Cette annonce me fait l’effet d’un uppercut, à moi, qui m’apprêtais à dénoncer la lâcheté, la soumission, le crime, enfin, de tous ceux qui ont collaboré avec les nazis. En un instant, je me retrouve face à mon grand père. J’ai pourtant beaucoup aimé mon grand père, mort en 1963, alors que j’avais onze ans. Pépé, tu viens de mourir une seconde fois. D’un coup, définitivement rangé dans le camp du mal absolu.  Et mon père, me direz-vous? Il est vivant. Il lui reste du temps, peu, pour ne pas s’y retrouver également.

Un texte sur l’antisémitisme. Encore un livre? Un de plus? Peut-il y avoir un livre de trop sur ce sujet? Et pourquoi en manquera-t-il toujours un? Parce que, de par le monde, sous nos fenêtres, on continue de mourir, d’être agressé, spolié, massacré, ostracisé pour le simple fait qu’on est juif. On peut l’être pour autre chose, me rétorque-t-on. Certes, mais pour une idée, rarement. Car être juif n’est qu’une idée, une croyance intime qui ne se voit pas extérieurement, qui ne correspond à aucun phénotype, qui ne détermine pas d’appartenance particulière à une ethnie.

Un livre de plus parce qu’il y a eu le vingtième siècle et la shoah. Et que, manifestement, l’humanité n’en a pas tiré toutes les enseignements qu’on pouvait espérer d’elle, particulièrement dans le domaine de la pensée.

Un texte de plus parce qu’il y a le présent et le retour, dans beaucoup de pays européens, de partis populistes, de droite radicale, et, pour certains, d’extrême droite. C’est bien la preuve, à mon sens, que les êtres humains n’ont pas encore compris où peuvent mener les dérives politiques actuelles. C’est bien la preuve, à mon avis, que nous n’avons pas retenu la leçon de l’histoire.

Un pays antisémite, la France? Certes non. Mais, loin des généralisations, il me semble pourtant que la France est un pays où l’antisémitisme a encore un présent. Et pas que dans les partis d’extrême droite. Avant qu’il ne soit trop tard, faisons ce que nous avons à faire pour que nous ne retombions pas dans les plus sombres heures de l’histoire. Dans ce concert, ma partie aura été de tenter l’écriture d’un texte de plus.

A cause- grâce?- à une outrecuidance qui n’appartient qu’au naïf, vous savez, il ne savait pas que c’était impossible, alors il l’a fait, j’ai l’intention, ferme, par ce texte, de vous proposer un nouvel angle de vision sur la question de l’antisémitisme.

D’abord, en préambule, en manière de préliminaire, vous dire que je ne suis pas juif. Catholique, musulman, bouddhiste, aucunement non plus. Rien. Athée. Mais beaucoup moins consensuel que Comte Sponville. Certes, je ne songe pas à nier que mon histoire, ma culture, dépendent en grande partie du fait que mon pays a longtemps été conditionné par la religion, catholique principalement. Néanmoins, bien que je reconnaisse à quiconque le droit inaliénable d’avoir un sentiment religieux, je suis de ceux qui pensent que ces convictions ne sont pas indiscutables. Je revendique le droit, comme je l’accorde aux croyants, de critiquer, de  remettre en cause, de souligner les archaïsmes, de caricaturer, de me moquer, de dénoncer les crimes, les égarements, les collusions avec le pouvoir, de continuer de dire que dieu est mort. Un droit qui n’est pas forcément partout et par tous respecté.

Vous dire également que la phrase qui va guider ce texte est: l’antisémitisme n’est-il pas une chose trop sérieuse pour ne pas la confier aux seuls juifs? Sur ce point, très important à mes yeux, une explication serrée s’impose. Il paraît en effet légitime que les juifs se saisissent de ce drame, cette faillite de la pensée humaine, et qu’ils tentent de porter à la connaissance du monde les enseignements qu’ils en tirent. Nous alerter sur le fait que, durant le vingtième siècle, une partie de l’humanité a perdu, justement, son humanité, en inventant un processus industriel d’élimination d’une autre partie d’elle-même, ce qui constitue ce que Nuremberg définira comme le crime contre l’humanité. Nous dire et nous répéter qu’il est encore fécond.., nous aider à prendre conscience du fait qu’il y a en chacun de nous une part de cette répugnante abjection. Mais sont-ils les mieux placés pour soutenir l’universalité de ce propos? A mon sens, non. Tant que les intellectuels, les artistes, les  religieux juifs ou d’origine juive seront les seuls à porter ce combat, bien qu’il soit à la fois juste et totalement légitime, celui-ci restera marginalisé, entaché d’un soupçon de corporatisme. L’universalité du propos ne peut venir que de sa reprise énergique et insistante par des intellectuels, des militants, des hommes politiques, des citoyens soit athées, ce qui serait l’idéal, soit d’une autre confession. Et où sont-ils, ceux-là? S’ils existent, qui les connaît? Quelle place leur fait-on dans l’univers médiatique?

Il m’est évident que je suis l’un d’eux. Et que j’espère que mon propos sera, cette fois, entendu et répercuté. Se pose donc une question: pourquoi moi? Pourquoi moi plus que d’autres, pourquoi moi maintenant et pourquoi mon propos serait-il reçu? A cela, plusieurs réponses. D’abord, je suis, comme déjà dit, athée. Ma vision de l’antisémitisme en est donc objectivée, du fait que, dans la personne de confession juive, je respecte l’être humain et non sa croyance. Une partie de ma famille est chrétienne, pratiquante ou non, ce qui, compte tenu de mon athéisme militant, m’a souvent permis de reconnaître dans ses propos une certaine part d’antisémitisme, fait qui m’a souvent interrogé, qui m’a amené à me documenter sur ses racines. Une autre part de la même famille est communiste. Ce qui, encore une fois, m’a amené à être fréquemment confronté à un certain type d’antisémitisme, de gauche, et m’interroger, de nouveau, sur ses fondements. Je suis militant politique depuis 1968. Par ce fait, il m’a été donné de voir surgir ou resurgir des poussées d’antisémitisme dans pratiquement toutes les familles politiques françaises. Je suis, depuis longue date, militant de la cause palestinienne, je devrais dire de la cause des Palestiniens, ce qui m’a également amené à être confronté à un antisémitisme latent présent dans les milieux d’extrême gauche, assez prompte à confondre la politique des états et les citoyens. Il y a, bien entendu, une grande part d’autoproclamation, du fait que ce sujet m’est, depuis très longtemps, apparu comme l’un des sujets majeurs de réflexion proposés à toute personne faisant oeuvre de penser. Parce que ma conviction est que, si l’on oublie le drame humain, tâche très difficile, et que l’on fait des drames historiques passés un sujet de méditation, des épisodes de l’histoire de la pensée humaine, on est bien obligé d’en arriver à la constatation que la persécution des juifs au cours de l’histoire et, spécifiquement, au cours de la deuxième guerre mondiale, est une faillite totale de cette pensée.

Entamant ce texte, j’ignorais, comme je l’ai déjà écrit plus haut, l’épisode décrit en première page. Je ne peux néanmoins m’empêcher de songer que mon intérêt pour la question de l’antisémitisme a quelque chose à voir avec la partie inconsciente de ma pensée. S’il est une chose à quoi je ne m’attendais pas, c’est bien de découvrir quelque jour que j’étais, de près ou de loin, inclus dans le cercle assez vaste des personnes directement ou indirectement concernées par le sujet. Ce texte n’a pourtant rien à voir avec un quelconque règlement de compte ou un méa culpa. Le hasard a voulu que la révélation me soit faite une fois établie l’ossature de ce texte. J’ai, bien entendu, été contraint d’y rajouter les quelques points que m’inspire mon indirecte implication.

 

 

Un antisémitisme chrétien

La racine du mal tiendrait ici à l’origine même du christianisme, le fait que les juifs auraient trahi le messie. Déicides, les juifs. Il fallait pourtant bien, pour la suite de l’histoire, que le jeune homme de Nazareth monte sur la croix. Que serait le christianisme sans cet épisode? Et que ce soit advenu par l’intermédiaire des juifs serait plutôt, si l’on se place du point de vue des chrétiens d’aujourd’hui, digne d’une reconnaissance. Nul doute que la présentation officielle est pour bonne part dans la détestation que les chrétiens vouent aux juifs. Particulièrement chez tous ceux qui n’ont qu’une foi de charbonnier, très liée à la tradition, pour qui la croyance est un des éléments de la norme conservatrice qu’ils ont choisie pour ligne de vie, comme le fit leur père, le père de leur père, et ainsi de suite. Indéniablement, pour beaucoup de chrétiens, les juifs sont détestables et l’on doit leur faire payer ce crime originel. C’est, à mon sens, le type d’antisémitisme rencontré avec le vilain épisode de l’abbé Pierre, s’acoquinant, sur la fin de sa vie, de manière pathétique, avec son ami Garaudy, révisionniste notoire. A noter que l’Eglise de France ne s’est guère grandie, en cette occasion, en ne condamnant que très mollement ces égarements. Elle reste bien plus prompte à exclure des ses rangs les ecclésiastes homosexuels, par exemple. Mais le peuple de France, lui, aurait-il prononcé cette condamnation? En rien. L’abbé Pierre est mort absous. Les gens n’ont voulu retenir que le héros de cinquante quatre. C’est pour moi un indice, le pressentiment que, de fait, notre pays est encore capable du pire.

De la même façon, je pense qu’on peut attribuer à ce mythe, celui des juifs déicides, une grande part de responsabilité dans l’attitude du pouvoir vichyste. Pétain, très catholique, entouré d’édiles très conservateurs, voire pire, tous très croyants , qui prend, dès 1941, sans que les nazis ne le lui aient demandé, l’initiative des lois anti-juives en France et participe, de sa propre initiative, au terrible drame de la déportation, s’appuyant, pour ce faire, sur une foule d’anonymes, dont, hélas, mon propre grand père, qui vont se réfugier derrière l’excuse de l’ordre reçu, mais qui ne peuvent ignorer, qui n’ignorent pas, il n’est plus permis d’en douter aujourd’hui, la finalité de leurs exactions, même s’ils ne sont, souvent, qu’un des maillons d’une gigantesque chaîne qui les dépasse. S’ils le font, je ne doute pas, aujourd’hui, que c’est en conscience. S’ils le font, c’est probablement, pour part, par détestation du “juif”. Qui le dit? Notre pays est-il aujourd’hui capable d’affronter cette part sombre de son histoire? J’en doute. Il n’est qu’à voir ce que nous chantent les responsables d’aujourd’hui. Il y a eu des justes. C’est vrai, certains de nos prédécesseurs se sont comportés non héroïquement mais simplement normalement avec des enfants, des adultes, et les ont protégés. Mais en proportion, combien? Il y a eu la résistance. Certes. Mais, encore une fois, en proportion, combien? Quid de l’immense majorité des citoyens français de cette époque? Tous des salauds? Assurément non. Mais, quand même, une certaine ambiguïté, au fond.

Comment avons-nous travaillé pour laver cette tache noirâtre sur nos blasons? En condamnant Pétain à mort? Cette peine n’a jamais été exécutée, par ordre du Général De Gaulle, lui-même très porté sur la foi, et qui, après la guerre, a personnellement souhaité qu’on oublie le passé. Sa tombe existe encore, à l’île d’Yeu, endroit où, par parenthèse, je ne mets jamais les pieds pour cette raison, considérant que, si elle y est encore, c’est que personne, là-bas, n’y voit d’objection. Ce manque de réaction, oui, je le vois comme une complicité. Hitler, lui, n’a pas de sépulture et c’est heureux, en ces temps de néo-nazisme enflant. Elle serait très visitée. Quelle image les Français ont-ils gardé du maréchal? Un vieillard bonhomme et égaré, héros de la patrie, qui n’avait plus toute sa tête et s’est fait manipuler. Très peu pour le condamner avec la même fermeté que ses homologues germaniques. Absous également. Là encore, je devine un indice qui me fait frémir sur les capacités de notre pays à raviver des moments odieux de son histoire.

Il y eut des procès. Celui de Klaus Barbie, condamné à la prison à vie et mort derrière les barreaux. Il s’agissait de l’un des tortionnaires nazi, allemand de surcroît. Sa condamnation allait de soi et n’a posé, en apparence, aucun problème en France.     Le cas Touvier, en 1992, sera plus délicat. C’est un Français qu’on juge. Sa défense est assurée par un avocat d’extrême droite qui obtient un non-lieu. Il faudra un jugement en appel, en 1994, pour le voir condamné. Lorsqu’il meurt en prison en 1996, après seulement deux années de privation de liberté, les milieux catholiques intégristes tentent une réhabilitation, saluant dans le “rappel à dieu” le moyen d’échapper à une justice républicaine par trop implacable. En 1996, en France, il est encore possible de penser plaider la clémence pour les acteurs de la shoah. Et même si les plus vives attaques contre la justice des Hommes nous viennent des milieux d’extrême droite et catholiques intégristes réunis, ce qui n’est pas une surprise, l’immense majorité du peuple de France, lui, ne proteste guère, ce qui laisse encore entrevoir un flou sur ses convictions quant à la qualification même de crime contre l’humanité de la shoah. Avec Bousquet, l’ambiguïté ne sera pas levée. Instruction interminable. intervention du plus haut échelon de l’état pour retarder sa progression puis, finalement, absence de procès pour cause d’assassinat. La France n’avait pas envie de juger Bousquet. Les révélations concernant sa relation intime avec François Mitterrand ne font, à mon sens, que confirmer que l’idéologie officielle du pardon et de l’oubli prévalent encore et que, pour Mr Mitterrand lui-même, la shoah n’est pas un événement au delà de toute humanité. A ce moment, en 1993, en France, il est encore possible d’échapper à la condamnation pour crime contre l’humanité sans soulever l’indignation générale. Avec Papon, La France va tout à la fois s’honorer et se ridiculiser. S’honorer en condamnant un haut fonctionnaire français au passé très chargé, puisque, outre son rôle sous le régime de Vichy, responsable du massacre de nombreux Algériens, en 1961, en tant que préfet de Paris, ancien ministre, maire, député. Un dignitaire de l’état. On sait comment son procès sera médiatisé. Mais la France va se ridiculiser, en le libérant par anticipation trois ans seulement après sa condamnation et en lui offrant, par là, une fin paisible. A propos de ce procès, la France va clairement se scinder en deux. Ceux qui veulent une condamnation sans appel et plaident pour une confrontation du pays avec son passé collaborationniste, et ceux qui n’en voient pas l’utilité, plaidant le droit au pardon, l’inanité d’un ravivement de souvenirs douloureux et porteur de divisions stériles. En 1999, en France, la majorité du peuple n’est toujours pas d’accord pour affronter le passé. Est-il pour autant antisémite? Je pense qu’il l’est pour part et que cette opinion est tenue par un ensemble de gens parmi lesquels, sans aucun doute, on compte des antisémites.

L’antisémitisme chrétien a également une autre origine. Celle de l’argent. Et celle-ci n’est pas mythique. Elle tient à l’interdiction faite aux chrétiens, dans le cours du moyen âge, de pratiquer des prêts avec usure. Pour les chrétiens, l’argent est sale. Ils ne sont pas les seuls mais, peut-être, peut-on leur reconnaître une antériorité. Conséquence de l’impossibilité faite aux chrétiens de pratiquer des intérêts, ce sont les juifs qui vont investir ce champ, plus parce que c’est tout ce qu’on leur laisse que par appât du gain. Le peuple déicide est déjà dicrédité. Peu importe qu’il se salisse un peu plus en manipulant la monnaie. On sait que, pour certains, l’entreprise sera corronée de succès et qu’ils vont, par ce biais, comme de juste, s’enrichir. Or, la chrétienté entretient un rapport très trouble à l’argent. Le clergé fait voeu de pauvreté. Les plus hauts dignitaires se disent aussi pauvres que saint François d’Assise et ne vivent dans les aures que par procuration. Leurs biens terrestres se résument à néant. Ce n’est, bien entendu, rien d’autre qu’une fable. Mais c’est un moyen qu’ont trouvé les puissants pour que le bas peuple se réjouisse de sa misère, pour le moins la supporte. Tout cela fait que la richesse n’est pas très bien considérée. Que le riche est, en un sens, coupable et, dans tous les cas, recouvert d‘indignité. L’amalgame entre juif et riche est promptement fait. Les juifs sont donc des gens indignes et détestables.

Inutile d’insister sur la collusion entre les milieux catholiques intégristes et les mouvements d’extrême droite. On trouve ici le noyau dur de l’’antisémitisme chrétien.


Un antisémitisme de gauche

Certes. Mais de quelle gauche parle-t-on? De l’extrême, celle dont je suis issu et à laquelle je suis encore très lié, intellectuellement, malgré un certain nombre de points de distance désormais infranchissables. Il se trouve, extraordinaire contradiction, que Marx, Lénine et Trotsky ont tous trois des origines juives. Celà n’empêche en rien, dans les milieux de gauche radicale, une certaine propension à la détestation du juif. D’où, donc, peut bien venir ce semblant de paradoxe? D’évidence, une fois encore, on ne peut éviter de penser à l’amalgame rapide entre riche et juif. Je me souviens que, dans ma famille, on avait tout dit lorsqu’on citait le nom de Rothshild. Riche, certainement. Richissime. Mais également juif. Je me souviens également qu’on avait vite fait de parler des juifs au lieu des capitalistes. Faut-il voir ici la marque de l’origine géographique de la révolution communiste? On sait, en effet, que le mot Pogrom est d’origine russe, même s’il recouvre un fait  déjà présent dans l’histoire dès le onzième siècle, qu’il nous vient des massacres de juifs ayant eu lieu vers la fin du dix neuvième siècle en Russie. Sommet du paradoxe, on ira, en Pologne et en Ukraine, au début du vingtième siècle, jusqu’à massacrer les juifs rendus responsables du bolchévisme, et caractérisés par le nom de judéo-bolchéviques. On perçoit ici une bizzarerie de la pensée communiste qui, manifestement, doit beaucoup au judaïsme, y est structurellement lié, ce qui n’étonne pas, au vu de la manière très particulière qu’a le judaïsme de forcer à l’introspection, à la réflexion, à l’analyse, à l’intelligence. Alors? Meurtre du père au sens psychanalytique pour le communisme? On est en droit de l’envisager.

Une question à laquelle il est impossible d’échapper lorsqu’on parle des rouges bruns, ainsi que de tous ceux qui leur ressemblent, c’est, évidemment, celle de la Palestine. Je suis moi-même assez bien placé sur ce sujet. Il m’arrive, en effet, de faire le voyage de la Palestine, pour entretenir avec les habitants et les élus d’une petite cité de cis-Jordanie une coopération entre nos deux villes. Je suis donc ce qu’on pourrait appeler un militant de la cause des Palestiniens. Je sais pratiquement tout de la mémoire et de l’histoire de ce grand peuple martyrisé. Ses épreuves récentes datent de 1948, avec la création de l’état d’Israël. Oui, l’état d’Israël est un état juif, oui, sa création est entachée d’un flou criminel des instances internationales, oui, elle s’est faite au détriment des Palestiniens, oui, Israël se comporte avec eux en tortionnaire parfois barbare, oui, l’attitude de cet état est condamnable et indigne. Mais il ne s’agit ici que de la politique d’un état. A de très rares exceptions près, les Palestiniens que j’ai rencontrés ne m’ont jamais parlé des “juifs” mais des israëliens. Le fait qu’ils soient ou non juifs n’est pas un critère très opérant pour comprendre le drame palestinien. N’entend-on pas, d’ailleurs, très souvent, cette afirmation excessive qui veut que les Israëliens se comportent avec les Palestiniens comme les nazis se sont comportés avec leurs ancêtres? Encore une fois, nous n’avons ici à faire qu’à la politique condamnable d’un état. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que ce n’est pas exactement ce qu’on entend, dans notre pays, sur cette question. Il m’a été donné de participer à de nombreuses réunions d’information ou militantes sur la situation de la Palestine. De nombreuses fois, j’y ai entendu des horreurs. De petites phrases telles que:

- Si on ne parle pas assez de la Palestine dans les média, c’est que ce milieu est complètement noyauté par les juifs...
- Les juifs se comportent comme des salauds à Jerusalem...
- Les juifs sont des fascistes...
- Les juifs doivent rendre les terres...

Chaque fois, je me suis senti obligé de relever ces égarements. Non, ce ne sont pas les Juifs, c’est une armée qui opprime, l’armée israëlienne. Le fait qu’elle soit constituée de personnes de confession juive n’a rien à voir ici. Parfois, j’ai éxigé la modification de comptes rendus et le remplacement du mot juif par celui d’Israëlien. Oui, il existe des Juifs racistes, certains sont fascistes, oui, il y a des Juifs tortionnaires, d’autres prônent l’élimination pure et simple des Palestiniens, mais j’en connais qui militent pour la cause des Palestiniens, des partisans de la paix, du retrait d’Israël des territoires conquis depuis 1967, du droit des Palestiniens à disposer d’une terre, certains, même, qui manifestent régulièrement près de check points lorsqu’on décide de boucler les territoires. Par là, on voit que le fait d’être juif n’est en rien déterminant dans l’attitude vis à vis de la Palestine.

On se souvient évidemment des thèses de Jean Genet sur les rapports entre Israël et la Palestine. Je crains qu‘il ne faille voir là une certaine origine de la confusion. Raser Israël est une de ses propositions, une solution que l’on pourrait qualifier de finale et, par là, inacceptable. Si l’on pouvait refaire l’histoire, il est évident qu’il ne faudrait pas recommencer. Où reprendre? La création de l’état d’Israël? Le deuxième guerre mondiale? Le premier massacre de Juifs? Question qui restera sans réponse. Tous ces événements ont des racines et se sont enchaînés dans une certaine logique. Le fait est que, depuis 1948, les Israëleins occupent le territoire ancestral des Palestiniens, déplacent des populations, massacrent et n’envisagent pas de faire autrement. Sur ce point, nous pouvons avoir une action. Le passé a passé. L’avenir est sans aucun doute possible aux droits des Palestiniens. Ce serait notre honneur que de savoir les imposer sans jamais sombrer dans l’antisémitisme. Ce serait l’honneur de tous les militants de la cause palestinienne d’extirper de leur pensée cette part la plus noire.
Depuis une date récente, qu’on peut situer aux alentours de l’effondrement de l’empire soviétique, la pensée politique s’est lourdement complexifiée. La difficulté vient du fait que, depuis, de manière évidente, les amis de mes amis ne sont plus forcément mes amis, pas plus que les ennemis de mes ennemis seraient obligatoirement mes amis. Fût-ce vrai avant cette date? Certainement. Mais l’accès à cette vérité était réservée à un très petit nombre. Depuis, il n’est définitivement plus possible de se tromper soi-même. Quelles conséquences? Prenons l’exemple très éclairant de l’attitude face aux Etats Unis. De longue date, j’ai lutté, je lutte contre ce qu’il est convenu d’appeler l’impérailisme américain. Ce point fait-il de moi l’ami des Khmers, des intégristes afghans, de Saddam Hussein, d’Al Qaïda, des intégristes islamistes de tout poil? Non, bien entendu. Si je condamne avec force la politique de l’état états-unien, je n’ai pour autant aucune haine pour le peuple de ce pays et je ne rêve pas de le voir rayé de la carte. Non, définitivement, les ennemis de mon ennemi ne sont pas mes amis. On ne peut pas dire que cette position soit des plus courantes. Où il devient nécessaire de s’interroger sur l’attitude de la gauche radicale française qui, par exemple, convoque Tariq Ramadan au Forum mondial des altenatifs, malgré des propos notoirement antisémites de celui-ci.

Se surajoute à ce manque de rigueur un phénomène désigné sous le terme de compétition des mémoires. Qui a le plus souffert au cours de l’Histoire? Les noirs? Les juifs? Les Palestiniens? Peut-on appeler déportation la traite des nègres? Génocide le sort réservé au peuple palestinien? Le communautarisme croît, la confusion s’installe. Le trouble tient essentiellement au fait que les non-juifs refusent de voir dans la shoah un événement à la portée universelle, refusent la notion même de mal absolu. Je l’affirme ici: oui, ce qui s’est passé pendant la deuxième (la seconde?) guerre mondiale est porteur d’enseignements pour chacun des êtres vivant sur cette Terre. Y réfléchir, s’y replonger, l’analyser, le décortiquer est porteur d’avenir pour l’humanité tout entière. Et j’y insiste. Si l’on veut que la démarche soit courronée de succès, ceci ne peut être l’oeuvre que d’un non juif. A l’extrême limite, on peut penser que s’il était noir et musulman, les choses ne feraient qu’aller plus vite.



Un antisémitisme ordinaire

Il me paraît évident que , en dehors des catholiques, à mon avis intégristes ou non, de la gauche extrême, avec des nuances, il existe dans notre pays un fond d’antisémitisme relativement banalisé. On n’aime pas le Juif parce que, tout simplement, il est différent. Vous devez, comme moi, avoir été parfois surpris par des petites phrases du genre: machin, il est pas juif?, ou bien: les juifs, c’est bien tous les mêmes, ou encore: les juifs, ils sont tous riches, ou : le show bizz, c’est tout juif et compagnie, et: il y a beaucoup de Juifs chez les médecins, non? Il n’est qu’à voir, à ce propos, les agressions récentes sur des personnes portant la croix de David pour le simple fait que, dans l’esprit de beaucoup de jeunes gens, Juif égale riche.

Personnellement, je suis convaincu que si, par malheur, l’antisémitisme reprenait des couleurs, il pourrait s’établir en France, et relativement rapidement, un certain consensus abjecte autour de cette idée que le Juif, décidément, est un problème. Vision pessimiste? J’aimerais en être certain. Certains affirment que les catholiques ont beaucoup progressé sur ce sujet. Que l’extr^me droite est de nouveau marginalisée et que le plus grand danger antisémite ne peut venir que de l’extrême gauche. Je ne souscris pas à cette vision. Si l’antisémitisme revenait au devant de la scène, peut-être en provenance des milieux de la gauche radicale, je suis certain qu’il se produirait une cristallisation du phénomène et une union de tous les antisémitismes, de droite, de gauche, orfdinaire, qui pourraient s’agglomérer relativement brutalement. C’est, à mon sens, pourquoi il faut veiller à son moindre sursaut, tuer dans l’oeuf la moindre résurgence. En ce sens, l’instant est grave. C’est aujourd’hui qu’il nous faut agir.

Libres propos sur mon refus de l’antisémitisme

Ce jour de mai 1990, j’ai retrouvé la vieille boîte exactement à l’endroit où je m’y attendais, dans l’antique placard que nous n’avions pas eu le coeur de détruire et qui avait fini par trouver une utilité dans la maison, son rôle idiot d’armoire aux vieilles choses. Y a-t-il d’autres choses que vieilles dans les armoires? C’était un cadeau de Noël oublié, un de ces présents qu’on reçoit faute d’autre idée: un atelier du parfait petit bijoutier. De quoi réaliser de captivantes petites broches, de ravissantes bagues, de non moins attirants colliers. Le tout dans une matière synthétique aux couleurs criardes. Le genre de chose dont on comprend qu’elle dorme au fond de nulle part. Ce soir-là, j’étais pourtant heureux de l’avoir conservée.

Quelques jours auparavant, dans un cimetière de Carpentras, des tombes avaient été profanées et le corps d’un homme, Felix Germon, exhumé et maltraité. Felix Germon était juif, les sépultures visées également. Inscriptions antisémites, stèles brisées ou renversées. L’émoi a tout de suite été à son comble dans notre pays. Le ventre de la bête immonde avait donc encore accouché. Ce fut une surprise. Une authentique surprise. Nous nous réveillions dans un pays où cela était donc possible. Nous sommes immédiatement sortis dans la rue pour des manifestations unitaires d’une ampleur rarement vue. En un sens, nous nous sommes rassurés. Avons-nous pour autant terrassé la bête? Bien sûr que non. Beaucoup de faits sont venus, depuis, hélàs, nous dire qu’elle avait encore un présent.

Pour cette occasion, j’avais fabriqué, avec mon petit atelier à bijoux, une broche en forme d’étoile de David jaune que j’ai arboré pendant quelque temps. Je vous rappelle que je ne suis juif ni aujourd’hui ni dans mes origines. Cette broche a produit beaucoup d’effet. Du positif, les gens me saluant d’un clin d’oeil, d’un signe de tête, d’un sourire. Du négatif, aussi, le port de ce signe m’ayant souvent conduit à être ostracisé. Le réveil fut brutal. Oui, dans la France de 1990, on considèrait encore le Juif comme un paria.


L’une des choses les plus éxaspérantes que je connaisse sur ce sujet est la question: et vous, qu’auriez-vous fait? Sous entendu si, en quarante, vous aviez été un citoyen fançais ordinaire, qui vous dit que vous auriez été héroïque? Tout d’abord dire que la question n’est pas forcément de savoir si on aurait été héroïque. On aurait pu, pour autant, ne pas être un salaud. Beaucoup de gens se sont comportés simplement normalement, ce qui, en ce temps, était déjà assez courageux. Cette réduction de la question à une alternative est symptomatique. Elle ne laisse la place qu’à deux catégories d’individus. Ceux qui se sont comportés dignement, les résistants, les justes, et tous les autres, qui n’auraient fait que vivre, assurer leur survie. C’est une manière de nier une part de volonté ou d’absence de courage dans la collaboration. C’est une manière de penser très proche de la version officielle des faits, celle qui voulait que les Français soient, au fond, de braves gens qui n’auraient fait que ce qu’ils pouvaient. Souventes fois il est fait appel à la formule nitzschéenne de l’humain trop humain, au mépris du fait que, pour le philosophe moustachu, cette formule est une condamnation. Je pense que la version officielle est loin de la réalité. Il est grand temps de reconnaître que beaucoup de nos compatriotes se sont conduits de manière condamnable et de les condamner.

La question: et vous qu’auriez-vous fait? n’a pas de réponse évidente. Que raisonner? Se projeter dans le passé et tenter d’envisager l’attitude que la personne que nous sommes aujourd’hui aurait eue entre 39 et 45? Tenter de retrouver en soi la personne qu’on aurait pu être à cette même époque et, de ce fait, approcher avec plus de réalité notre comportement putatif? S’immerger au plus profond de son être, y trouver, par cette introspection, les principes fondamentaux qui nous guident et, par conviction, se classer dans un camp ou dans l’autre? S’identifier à ceux qui nous ont précédé et imaginer que, par comparaison, alors, on aurait été ici ou là? Probablement faudrait-il envisager toutes ces hypothèses à la fois.

Mais le débat, à mon sens, n’en est pas un. Parce qu’aujourd’hui, nous savons. Nous savons qu’il ne s’agit pas d’un combat entre le bien et le mal. Mais entre le mal absolu et tout le reste. Pendant la seconde guerre mondiale, il y eut, en France, du bien: la résistance, le combat, les justes, le courage ordinaire. Il y eut également du mal: le marché noir, la collaboration, l’enrôlement au côtés des nazis. Mais au delà de tout celà, il y eut le mal absolu: participer, d’une manière ou d’une autre, de près ou de loin, en jouant un rôle actif ou en laissant faire, participer à l’élimination des juifs de France. D’évidence, si l’on considère le problème sous cet angle, celui d’une ligne claire qui sépare le mal absolu du reste, le curseur règlant la justesse de tout jugement  se trouve nettement déplacé. De fait, toute complicité, serait-elle mineure,  devient ainsi, elle-même, le crime. Quelle autre solution s’offre à nous, alors, que de condamner, fermement, sans tergiversation, cette attitude? Oui, il nous apparteint d’être implacables et de ne tolérer aucune circonstance atténuante. Qu’on m’entende bien. Je ne dis pas que les gens qui ont participé étaient la lie de l’humanité. Je veux bien reconnaître que, éventuellement, j’aurais pu, ce qui m’étonnerait, faire partie du mauvais camp. Ce que j’affirme, c’est qu’aujourd’hui, nous ne devons nous accorder aucun choix. Ceux qui ont fait partie, de près, de loin, plus ou moins volontairement, de la chaîne de la shoah, ceux-là, nous nous devons de les frapper d’infamie.

Un petit mot, en passant, sur un événement littéraire de l’année passée. Je veux parler des Bienveillantes et de son succès fulgurant. Ce livre m’inspire un profond malaise. Bien sûr, on a le droit d’écrire tout ce qu’on veut et sur tous les sujets qu’on veut. On est en droit de les traiter comme bon nous semble. Néanmoins, ramener l’attitude d’un bourreau nazi à des crampes d’estomac, des contrariétés quotidiennes et envisager de renvoyer les problèmes que cela pose d’être un tortionnaire à leur résolution interne à l’être, je suis désolé, cela me paraît un peu court. La banalisation du rôle des nazis, leur inscription dans le quotidien, l’ordinaire, ce pourrait être, à mon avis, porteur de beaucoup de confusion. Ne serait-ce que d’apporter des excuses à tous ceux qui se sont mal conduits. Humain trop Humain, n’est-ce pas? Non. Quelque chose de transcendant est arrivé dans la première moitié du vingtième siècle, qui dépasse la fragile condition humaine. Peut-être ai-je sur ce sujet l’oreille un peu dure mais il ne me semble pas avoir entendu, au sujet de ce livre, les mises en garde qu’il méritait, mise à part la condamnation de Claude Lanzmann. Une fois encore, j’en suis cette fois certain, en tous cas, aucun intellectuel ou athée ou d’une autre origine que juive. J’ai trouvé mes collègues bien silencieux, quand ils n’étaient pas carrément enthousiastes. Un gant traîne sur le sol. Je ne vois personne qui soit empressé à la ramasser.

Faut-il ici parler de sacralisation, comme on a pu l’entendre ou le lire par-ci, par là? Par des voix, des plumes, qui, adeptes qu’elles sont du particularisme, tentent de nous expliquer que l’Homme blanc occidental a ses propres valeurs sacrées et qu’il doit comprendre que le reste de l’humanité peut ne pas avoir les mêmes? Encore non. Rien de sacré dans la shoah. Mais de l’universel. Ce qui s’est produit en Allemagne entre 39 et 45 a des conséquences pour l’humanité entière et chaque être humain peut faire siens les enseignements que nous pouvons en tirer. Le fait que ce soit arrivé en Allemagne et contre les juifs n’est pas le plus signifiant. Il s’est agi d’un groupe humain persécutant un autre groupe humain, plus faible en nombre, programant son éradication et utilisant pour ce faire des processus industriels. La particularité des derniers, la localisation des autres ne doivent pas être regardées comme absolument déterminants dans ce qui s’est produit. Oui, j’ose l’affirmer, le problème posé à la pensée humaine eût été le même si ça n’avait pas été eux, si ça n’avait pas été là. En conséquence, raisonner ce problème sur un lieu, sur un peuple, sur un groupe spécifique, est indubitablement une erreur. En poussant le bouchon juste un peu trop loin, je pourrais même aller jusqu’à affirmer que peut me chaut ce qu’en pensent les juifs. Ce drame les dépasse, intellectuellement s’entend. Mais, je le reconnais, ce serait excessif. Car nous avons eu besoin d’eux pour ouvrir la voie à la réflexion sur ce sujet. Dans tous les cas, il m’est indifférent de savoir si les Juifs d’Israël d’aujourd’hui ont ou non raison de se réclamer de la shoah. Le débat n’est définitivement pas là. Ce qui s’est produit est daté. L’humanité a touché à ce moment de son histoire le fond de sa noirceur, a produit le pire. Le pire au sens propre. C’est à dire que plus jamais on ne pourra faire plus que ce qui a été fait à ce moment.  C’est ce fait et l’inscription dans son temps qui sont porteurs d’avenir.


En commençant ce chapitre, je voudrais, avant toute chose, qu’il me soit donné quittus: je ne suis en rien antisémite. Ce qui suit n’est qu’un  exercice intellectuel. Il suppose l’effort de ne considérer les mots que comme des mots, la sémantique comme une discipline littéraire, se détacher un temps du poids que peuvent avoir les idées lorsqu’elles tripatouillent dans le drame. Je voudrais vous entretenir ici de J M Le Pen et de sa petite phrase sur le “détail”. Le Pen est un orateur très habile. Extrêmement. Et l’on aurait grand tort de croire que ses mots puissent être lâchés à un quelconque hasard. Il sait, il a toujours su les choisir pour que le sens profond des ses paroles soit dissimulé derrière une ambiguïté voulue. Prenons l’exemple de l’odieux “détail”. La phrase exacte est: “les chambres à gaz ne sont qu’un point de détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale”. Sémantiquement, rien à redire. C’est exact. Peu importe que les nazis aient opéré avec des chambres à gaz ou autrement. Ils auraient découpé les Juifs à la hache que le fait n’en aurait pas été modifié. La preuve: l’histoire récente nous révèle l’existence de ce qu’on nomme la shoah par balle, à quoi l’on peut attribuer la mort de deux millions de Juifs au moins dans les pays d’Europe de l’Est. A noter que ces faits on été portés à notre connaissance par un prêtre catholique, Patrick Desbois. Une pierre dans mon jardin. Revenons à Le Pen. Aucun doute sur le fait que le sens profond de sa déclaration est bien: La shoah n’est pas un fait marquant de l’histoire et les Juifs ne méritent pas le tintouin qu’on fait autour de ce drame. Le Pen est profondément antisémite et raciste. Vous vous souvenez certainement du tollé provoqué par cette phrase. Une grande partie du peuple français s’est indignée et a, même, manifesté. Qu’avons-nous gagné par cette protestation spontannée? Le problème est-il réglé? Celà aurait-il empêché Le Pen de réitérer? Non. Parce que la clarté n’a pas été faite sur le sujet. Les intellectuels français ont raté cette occasion offerte de poser une fois pour toutes le problème de manière correcte. Reste une nébuleuse: ce qu’a dit Le Pen, c’est pas bien. Passons à autre chose. Ce qu’il aurait fallu, c’est poser la phrase sur la table, la décortiquer, l’analyser, mettre au jour l’intention et la grande différence qui existe entre les termes et l’idée. Faire le point sur le fait qu’exploiter  l’antisémitisme rampant est un crime aussi grave que d’affirmer haut et fort que les Juifs doivent être éliminés et que, dans ce domaine, les paroles soft n’existent pas. Avons-nous vraiment traité le problème? Non. A titre d’exemple, méditer les paroles du premier des ministres de la France, employant, et je ne doute absolument pas que ce soit à dessein, le mot “détail” dans un discours, en septembre 2007. Si le travail intellectuel avait été correctement fait, cet égarement lui aurait été interdit. Ce que nous avons gagné, par la protestation de bonne foi, à peine étayée de réflexions profondes sur le sujet, c’est que Le Pan a encore une fois réussi le tour de passe passe de sa victimisation. Regardez, je n’ai presque rien dit et voyez comme ils se déchaînent. Je suis certain que de nombreux Français l’ont cru. Parce que nous n’avons pas frappé le grand coup que cette phrase méritait, je suis convaincu que nous n’avons rien fait progresser si ce n’est son audience.


Conclusion

Un nouveau texte, donc. Mais quel but est ici poursuivi? Comprendre les racines du mal, dénicher ses résurgences, mettre très haut la barre de l’interdit, à quelle fin?

L’avenir, bien entendu. Tant que la France n’aura pas affronté son passé relativement peu glorieux, alors, de manière inéluctable, ces chose pourront de produire à nouveau. Il y a là une nécessité, un passage obligé, pour que la France demeurre ce qu’elle a toujours été: le pays des droits de l’homme et des Lumières. Non que je tienne, par la faute d’un nationalisme mal placé, à ce que mon pays reste un quelconque phare de l’Humanité. Mais, hélas, je n’en vois guère d’autre capable de jouer ce rôle. Nous avons du travail.

Le présent, bien évidemment. De récentes mesures gouvernementales laissent à penser qu‘il existe, au plus haut sommet de l’état, parfois dans les allées, des gens qui n’ont retenu aucune leçon de la shoah et qui nous proposent des pistes de réflexion qui sentent très mauvais. Car il faudra un jour admettre que ce que l’Allemagne nazie a fait est une atteinte à l’Homme universel, une tentative d’en modifier le patrimoine génétique global,  de changer le cours de son évolution et que c’est celà qui est, qui devrait être, à jamais proscrit. Notre président n’est pas antisémite. Je n’en dirais pas autant de son entourage. Néanmoins, ce qu’il n’a pas compris, c’est que ce n’est pas qu’envers les Juifs qu’on se doit d’être vigilant. La leçon à retenir, c’est bien que les Juifs éliminés entre 39 et 45 représentent un symbole de l’Homme et qu’on ne doit pas traiter ce drame que du point de vue des Juifs. C’est l’Humain qu’on a assassiné, l’Humain tout entier. Ne pas être antisémite, au sens vrai, c’est comprendre qu’on ne peut pas non plus s’en prendre aux autres êtres humains, pour leur couleur, leur religion, leur appartenance ethnique, les désigner comme bouc émissaire de tous nos malheurs, leur tripoter un peu l’ADN. Sans parler de l’utilisation faite de la lettre d’un certain resistant, de la réhabilitation, par là, du mythe d’un peuple français héroïque durant la guerre et des déclarations sur la fin de la repentance. Oui, au regard de la shoah, notre présent est scandaleux. Puisse ce texte apporter la lumière nécessaire à l’abandon de ce chemin du pire.

Un texte, donc, ni de plus, ni inutile, je l’espère. Alors pourquoi ce titre? Je passe sur ni antisémite. L’évidence. Ni philosémite, par contre, me semble mériter une explication. Tout bonnement parce que je n’aime pas plus les Juifs que les autres êtres humains, mais pas moins, que ce critère n’en est pas un pour moi. Trop simple? Certainement. Ce que j’ai voulu exprimer par là, c’est mon athéisme profond. Comme déjà écrit plus haut, je n’ai pas de respect pour la religion. Croit qui veut. Ma pensée est très bien résumée par une phrase de Laplace, le mathématicien, qui, exposant à Napoléon sa théorie des points d’accumulation, se vit rétorquer: et dieu dans tout ça? Sa réponse fut admirable: je n’ai pas besoin de cette hypothèse.  Habile, subtile, sans réponse. En un mot: magistrale. C’est ainsi que je vois la croyance. Les autres ont peut-être besoin de cette béquille. Moi, pas. Je suis d’accord avec Nietzsche: dieu est mort. Il n’est qu’à voir la disgrâce injuste dans laquelle on le tient pour comprendre que l’être humain n’est pas prêt à se passer, lui, de cette hypothèse. Alors ni philosémite, bien entendu, puisque croire est, pour moi, une faiblesse. En n’importe quoi. Y compris en le dieu des Juifs.