Je finis par me demander si je ne serais pas un peu maboul. Les gouvernements européens sauvent les bénéfices des banques, imposent à leurs peuples des cures d’austérité radicales, partout, on taille dans les avantages sociaux acquis, on sacrifie la jeunesse et les personnes âgées en réduisant leurs moyens d’existence et, par là-dessus, des “agences de notation” remettent couche sur couche en dégradant, ici ou là, les pays ou les banques à tour de bras, contraignant nos élus à augmenter encore les mesures restrictives.... Et, nous, on encaisse.... Jusqu’ici, il me paraissait évident que le but final de toutes ces opérations ne pouvait être que ramener le niveau de protection sociale des nations occidentales au niveau où elle se trouve dans les pays “émergents”, c’est à dire presque rien, parce que c’est la seule solution qu’ils ont trouvé pour ramener notre “compétitivité” au niveau du tiers monde, parce que c’est le seul moyen de sauver notre confort et les profits de certains.... Mais je dois divaguer, être victime d’un complotisme quelconque.... Comme un seul homme, la planète s’enfonce dans la restriction et la paupérisation, sans presque broncher... Peut-on avoir raison seul contre tous? C’était l’un des sujets de philo du bac l’année où je l’ai passé.... Peut-on avoir raison seul contre tous? .. Je sais bien que je ne suis pas tout à fait seul.. Mais isolé, marginalisé, rendu insignifiant, ça oui... Le cours en bourse du Crédit Agricole est en baisse, à cause de la “crise grecque”.... Quelqu’un peut-il me dire ce que cette banque, originellement dédiée au monde paysan français, ce qui lui vaut son titre de “banque verte”, ce qu’elle fait, donc, au premier rang des banques européennes et au quatre ou cinquième mondial?..... Question qui peut paraître étrange, sauf qu’il faut y voir son lent mais irréversible passage au statut de banque d’affaires, avide de profits, y compris au risque d’investissements dans des “produits” véreux et dangereux pour l’économie mondiale, ce qui a pour conséquence, en France, que de plus en plus de paysans, ses clients fondateurs, se trouvent dans l’impossibilité de rembourser leurs dettes, dettes qui ne sont pas que les leurs.... Le monde entier est en train de sombrer dans la misère pour une raison unique : sauver les profits et le pognon des dominants. Ce qui m’épate, c’est l’apathie totale dont nous faisons preuve devant ce constat que je crois assez objectif. Quelle mouche tsé tsé nous a piqué? Quelle raison profonde invoquer pour expliquer cette torpeur? La réponse m’apparaît comme évidente: nous croyons globalement que nous allons avoir notre part du gâteau. La vie considérée comme une loterie. Un gagnant de temps à autre, ici ou là, mais un vrai gagnant, le matelas de pognon possible pour chacun, hors de tout mérite, hors de tout labeur, la corne d’abondance, la caverne d’Ali Baba.... Quant à ceux qui resteront à crever sur le bord du chemin, un seul jugement : pas de bol!.... Il m’est arrivé, dans mon existence agitée, d’avoir des responsabilités dans l’insertion sociale. Chaque année, les associations concernées présentaient un bilan. Les subventions étant versées de manière annuelle, toute ces asso, sans exception, présentaient au bilan des “placements” en banque, histoire de faire fructifier leur argent dans la période où il n’était pas utilisé. Essayez donc de faire comprendre à leurs responsables que cette décision n’est ni plus ni moins qu’une collaboration avec le système qui crée le problème dont elles ont choisi d’être l’une des solutions... Le problème de l’argent, c’est qu’on en croque tous, à de divers degrés, certes, mais tous. Là tient l’incroyable vitalité du système, sa capacité à perdurer. Et je pourrais rajouter les problèmes d’écart entre les plus hauts et les plus bas salaires. Au nom de quoi? Qui peut expliquer rationnellement pourquoi un heure de travail d’un ouvrier en usine vaut cent, mille fois moins que la même heure du patron de la même usine? Qui des deux ne peut se passer de l’autre pour gagner son pain?
Qui se rend encore compte que l’argent, ce n’est, au mieux, que du papier, au pire, que des chiffres sur un écran? Qui se rend encore compte qu’au nom d’une virtualité, on tue, on emprisonne, on opprime, on affame, on ségrègue, on rend fou? Songez un instant au regard d’un extra-terrestre fraîchement débarqué sur Terre qui nous verrait nous étriper joyeusement pour des morceaux de papier, des zéros numériques, alors que nous sommes environnés de papier et de zéros...... Je crois que je suis maboul et la sortie de ma crainte est unique: si ce n’est pas moi, c’est le monde qui l’est. Pas nouveau? Certes!... Paroxystique? Sans aucun doute!....